Le but de cet atelier est de plaider en faveur de l’idée que les situations africaines apportent des lumières sur le fait électoral partout dans le monde.  En effet, on assiste, depuis les années 1990, marquées par la fin des partis uniques, à une nouvelle expansion du nombre des élections au suffrage universel sur ce continent. La plupart du temps, ces expériences politiques sont identifiées par les chercheurs, soit comme des élections « pas comme les autres », soit comme des élections « sans choix », voire sans électeurs. Ou encore, comparées à la prétendue normalité démocratique occidentale, elles sont alors condamnées à n’être qu’imparfaites, au mieux des imitations malhabiles de ses rituels, au pire de simples simulacres. Ces interrogations se comprennent surtout parce que pendant longtemps, la crédibilité d’une véritable analyse de l’élection en Afrique paraissait subordonnée à la possibilité d’appliquer à ce terrain, les outils quantitativistes utilisés en Occident. L’un des indices de la persistance de ce postulat est que, jusqu’à maintenant, le fait électoral est réduit au vote à telle enseigne que l’application de la règle numérique majoritaire demeure, aux yeux des chercheurs, la seule procédure de légitimation des élus. L’incertitude portant sur la reproduction de la totalité politique est levée par la publication du résultat du scrutin. Or ces interprétations révèlent, à certains égards, un biais méthodologique majeur. En effet, les cas africains montrent que cette règle n’est pas suffisante pour stopper le processus électoral. Accepter l’idée de son insuffisance revient à supposer, d’une part, qu’il en existe une (ou d’) autre (s) radicalement différente(s) et, de l’autre, qu’il importe de distinguer l’élection du vote. Le premier point mérite d’être appréhendé comme tout le processus de sélection des gouvernants, tandis que le second n’est qu’un mécanisme/outil pour choisir. Le programme de recherche Ré-examiner les élections à partir des expériences africaines développe, précisément, cette voie. Il refuse l’idée d’imposer un cadre théorique pré-construit sur les élections, mais pose que sa définition est elle-même une question de description empirique, voire un enjeu de connaissance, anthropologique et sociologique. Pour concrétiser cet objectif, ce programme s’appuie sur un outil, la plateforme électronique EleQta, pour recueillir une quantité considérable de données et permettre leur analyse comparative. Cet outil a été déployé dans onze pays.

Cet atelier est la première occasion d’une rencontre offerte aux superviseurs des équipes locales. Pour contourner les biais introduits par la simple application aux faits africains des explications qui privilégient la logique du mandat et de la délégation, les participants y défendront l’hypothèse selon laquelle l’élection mérite d’être décrite à partir de la composition des formes immanentes d’autorité sociale qui donnent droit à commander autrui. Par ces formes, le corps social s’auto-organise en termes de parts que le savoir, la parenté, le droit d’aînesse, le sacré, l’intelligence, la force, etc., apportent à la reproduction de la chose commune. L’élection se manifeste, par conséquent, comme une des expériences possibles de dramatisation sociale à travers laquelle un ou plusieurs détenteurs de ces formes d’autorité les convertissent en atout politique en cherchant à se faire reconnaître par tous. Les différents cas sont explicités par une approche en termes d’intrigues historiques, ce qui permet, à la fois, d’en décrire la singularité tout en montrant comment elles éclairent les autres situations.

L’atelier se déroulera sur deux jours. Il portera sur les cinq intrigues que le programme a pu construire pour l’instant : la mort du Phénix, le  président Zombie, La solution dynastique, l’élection en monarchie et l’impossible contournement du vote… Chaque intervenant présentera les résultats des enquêtes menées sur neuf terrains (Cameroun, Congo, Congo-R.-D., Gabon, Kenya, Madagascar, Swaziland, Togo, Zimbabwe). Les séances seront organisées autour d’une intrigue principale abordée par un ou deux cas.

 

Programme de l’atelier

 

25 juin

Matin

Président des séances : Aghi Bahi (Université Félix Houphouet-Boigny, Cocody, Abidjan)

9h30-09h45 – Mot d’ouverture : Fabienne Samson, Directrice de l’IMAF (IRD_IMAF)

10h45-11h : Pause

11h-12h45 – Discussion sur la plateforme EleQta

 

Après-midi

Président des séances : Etanislas Ngodi (Université Marien Ngouabi)

14h -15h30 – Séance : Le Président zombie

Antoine Socpa,  (CASSRT – Université de Yaoundé I), Cameroun : le zombie au pouvoir.

Edknowledge Mandikwaza (Heal Zimbabwe Trust, Harare), Zimbabwe : la mort politique du Zombie. 

15h30-15h45 : Pause

15h45-17h – Séance : La solution dynastique

Christian Wali Wali (CERGEP – Université Omar Bongo), Gabon : le « fils de… » à l’épreuve du législatif.

Michel Adovi Ngoeh-Akue (Université de Lomé), Togo, Dynastisation et pérennisation du régime à parti unique.

 

26 juin

Matin

Président des séances : Aghi Bahi (Université Félix Houphouet-Boigny, Cocody, Abidjan)

9h30 – 11h – Séance : L’élection en monarchie

Solofo Randrianja (Université de Toamasina – IEP), Madagascar : le passé royal ressurgit en boomerang dans les élections.

Thabo Masuku (FSEJ, Manzini), Swaziland : le suffrage universel en monarchie absolue.

11h – 11h15 : Pause

11h15-12h45 – Séance : L’impossible contournement du vote

Cecilia Passanti (Paris V – CEPED – IHA CREPOS), Kenya : le règne du « fils de… » à l’épreuve du vote électronique.

Sylvie Aympam (IMAf), RDC : l’impossible contournement du vote, vers la consolidation de l’ordre dynastique ?

François Palama (Université de Kinshasa), RDC : Vers la consolidation de l’ordre dynastique

 

Après-midi

Président des séances : Rémy Bazenguissa-Ganga (IMAF-EHESS)

14h-15h30 : Discussion générale sur les intrigues et le projet

15h30-15h45 : Pause

15h45-16h30 : Mots de conclusion